7. L’emménagement
Qui dit déménagement dit logiquement emménagement et, j’aurais dû m’en douter, ce dernier ne pouvait être qu’épique …
Alors que rien n’est encore prêt, je dois intégrer mon appart’ en catastrophe car l’hôtel est aujourd’hui complet ! Le programme annoncé par Boss n°2 et Boss n°3 est donc le suivant : trouver dans la même journée, un électricien ( que l’appart’ soit vivable un minimum), une femme de ménage (que le gros du ménage soit fait) et un chauffeur (pour m’accompagner avec mes p’tites valises). Ok , ok mais on fait comment ? Facile quand le personnel de l’hôtel est mis à contribution… Moi qui n’aime pas mélanger, je n’ai pas eu le choix, Sidi B a choisi 3 personnes du staff qui sont venues « cleaner » mon « chez-moi », enfin, « cleaner », c’est vite dit mais le gros du travail a été fait!
Tout ce petit monde une fois parti, j’ai décidé de me détendre et me rêvait déjà en douce sirène se prélassant dans un bon bain chaud... J’ouvre donc les robinets et Oh My God ! Horreur, l’eau qui s’écoule est rouge brique, tout comme la poussière qui s’insère partout dans la ville. Calme toi Bernadette, calme toi, c’est juste un problème momentané… Respire à fond et laisse couler l’eau. Après une bonne ½ heure, l’eau a viré de rouge brique à jaune sable. Fatiguée d’attendre et persuadée que je n’obtiendrai rien de mieux ce soir, j’abdique ! Adieu bain moussant relaxant, ce sera donc une petite douche rapide (qui sait le nombre de bestioles microscopiques qui prolifèrent dans une eau comme celle là) rien que d’y penser, ça me dégoute. Allez courage à la douche ! Aaaaaaahhhhhh, l’eau est gelée ! C’est quoi ce binz ! Bah oui, pas d’eau chaude ! Mais attends sur les 3 qui sont venus à l’appart’, y’ avait bien un électricien, il a bien vérifié et mis en marche le ballon d’eau chaude !?bah oui… mais non …..Calme moi Bernadette, calme toi, c’est juste un petit couac, respires, reste zen et prends les choses du bon côté. Ouais, bah là tout de suite, j’ai plutôt envie de hurler car toute seule et toute nue dans ce grand appart’ vide qui n’a ni eau propre, ni eau chaude, j’ai le moral qui flanche. Ah « Quelqu’un », si t’étais avec moi, on pourrait peut-être en rire mais là bah, j’ai plutôt envie de pleurer … pour couronner le tout, le chauffage (électrique lui aussi) ne fonctionne pas non plus, et comme nous sommes loin de la saison touristique et des grosses chaleurs estivales, je me pèle les fesses à Marrakech !
« Mais que diable allait-elle faire dans cette galère ? » pourrait dire Molière
Dans les jours qui ont suivi, j’ai joué mon plus beau rôle : Cosette au pays du soleil ; et j’ai obtenu qu’un technicien de l’hôtel passe à l’appart « réparer » les petits couacs (électricité, donc eau chaud et chauffage !). J’ai eu droit à une machine à laver et un frigo (modèle d’expo un peu abîmé mais un frigo quand même), l’eau couleur jaune sable devient peu à peu plus claire et je viens de m’offrir mon premier téléphone portable, il était temps de pouvoir échanger librement avec « Quelqu’un. » Trop dur sans Lui. Satisfaite de mon achat, je rentre à l’appart d’un pas gai et léger me disant qu’avec le temps, tout va se mettre en place, tout va rentrer dans l’ordre. Je vais m’habituer à cette nouvelle vie, je vais m’intégrer, …Je suis perdue dans mes pensées quand arrivée au pied de l’immeuble, plus d’ascenseur.
«ma kayne mouchkil», je grimpe à pied. Arrivée dans l’appart, plus d’électricité, panne générale dans le quartier. Ca ne sera que la 1ère d’une longue série. « Choukran beaucoup !». Vive l’Expatriation !
8. Les supermarchés
Une fois installée, il fait penser à se nourrir matin, midi et soir ! Le midi, c’est facile, je déjeuner au resto de l’hôtel avec les « Boss » Quelle chance ….
Pour le reste, en route pour l’aventure ! A 5 min à pied de l’appart’, je trouve « Acima » un supermarché et a priori, le + cher de Marrakech. Cher, c relatif car les tarifs sont bien inférieurs à ceux pratiqués à Paris, sauf les produits importés, logique. C’est aussi et surtout le repère de la faune des bas quartiers si j’en crois l’invasion à l’entrée du magasin, peut-être est-ce aussi dû à la date, nous sommes en plein dans une fête religieuse dont je n’ai pas retenu le nom qui interdit la vente d’alcools aux musulmans, par conséquent, tous me sautent dessus à l’entrée, me tournent autour et me suivent dans les allées et m’accostent clairement en caisse me demandant de leur acheter de l’alcool ! J’en achète déjà pas pour moi alors…..
1ère expérience à Acima un jour de fête et à une heure avancée… Ne pas renouveler.
Le weekend suivant, j’explore plus loin et découvre Marjane (l’équivalent d’Auchan en France) situé à 5km de chez moi. Grand parking, grande superficie et peu de produits mais ça a l’air propre et fréquentable. Je trouve enfin mon bonheur et troque mes marques françaises contre les marques locales compte tenu des prix. La confiture « bonne maman » à 50 dhs sera désormais remplacée par la confiture « Aicha » pour l’allégée ou « baraka » pour la sucrée. La viande de bœuf est abordable mais dure comme de la carne, quant à la charcuterie et au fromage, ça attendra un retour sur Paris.
Les + culinaires, les merguez sont top et le poulet excellent ! Voilà les bases de ma future alimentation posées J
Marjane a aussi un rayon bricolage, salle de bains, … et agréable surprise, j’y trouve même rideaux de douche, tringle à rideaux de douche et poubelle de sdb. Youpi ! Bon, en même temps, c’est pas Castorama, faut pas délirer, je n’ai donc pas eu besoin de réfléchir 3 h00 au modèle que j’allais choisir car j’avais le choix entre poubelle plastique bleue ou poubelle plastique bleue, évidemment, j’ai choisi la poubelle plastique bleue.
9. L’ Administration
Une fois installée, et le frigo rempli, il faut aussi penser à se mettre en règle avec les autorités locales… et l’administration, Tout un poème…
D’abord, j’ai obtenu mon bail pour l’appart’ sauf que… il a fallu « faire légaliser le document ». Mais ça veut dire quoi « faire légaliser un document » ? ca veut dire que tu vas avec tes petits bras musclés et toute la bonne volonté du monde faire la queue dans un ersatz d’administration où tu te rends compte que tu es la seule femme ( ça, ça devient récurrent) mais surtout la seule étrangère, que toutes les indications sont en arabe, (en même temps, c’est logique,) que personne ne peut te renseigner mais surtout tu évites d’ouvrir la bouche et de demander des renseignements car tu sens que tu n’es pas la bienvenue.
Bon, ça c’est fait… Contrainte de demander un coup de main à Sidi B (Boss n°3). Et là, c’est comme si j’avais dit Sésame, ouvre toi ! « Sidi B serre des mains, passe devant tout le monde et oh my God !! il a même glissé deux petits billets (de 100.00 dhs) en bout de chaine et mon bail a été « légalisé » en moins de temps qu’il ne m’en faut pour engloutir un baklava !
Etape suivante, faire une demande de carte de séjour …. Bah oui, avec mon passeport, je ne peux rester que 3 mois sur le territoire, direction le service immigration accolé au commissariat principal de la ville.
Le bureau est fermé, sur la porte, une vieille feuille A4 punaisée avec les horaires d’ouverture et les papiers à fournir pour monter le dossier. On se croirait dans un western, tout est désert, le vent souffle, la poussière vole, ne manque plus que la musique de Sergio Léone. Et mon œil qui s’humidifie à la lecture des documents à fournir…. Il faut tout faire « légaliser » en 2 exemplaires pour étude du dossier ! Nannananananananan ! Je ne veux pas retourner à l’administration, je ne veux pas me retrouver toute seule, je ne veux pas être la seule femme et la seule étrangère à faire la queue des heures pour rien, je ne veux pas encore supporter les regards hostiles et je commence à être gênée de devoir solliciter Sidi B. Et pourtant ! Sidi B a pris en charge la légalisation de mes papiers … Je lui ai remis mon p’tit bakchich, j’ai attendu gentiment dans la courette et ai récupéré mon dossier avec tous les papiers légalisés !
En route pour ma demande de carte de séjour…. Le décor : Une mini pièce un peu pourrie avec 2 agents chacun sur un petit bureau, un ordi pour 2, normal !Elle, elle agrafe les papiers de ton dossier, lui, il saisit sur ordi, il est chef, donc il a droit de saisir sur l’ordi et moi, je patiente, je patiente encore, je patiente toujours. Vient enfin mon tour
On me fait asseoir (comme pour un interrogatoire dans un commissariat) et le chef soudain m’appelle.
Le chef : Prends la chaise, viens t’asseoir
Moi : (je m’exécute en silence)
Le Chef : tu t’appelles V!?
Moi : Oui
Le Chef : V, viens ici et raconte moi ta vie
Moi : ……..
Et le chef m’a demandée de retracer mon parcours, non pas mon parcours professionnel ou même universitaire, non,non, mon parcours scolaire en commençant par le début stp, Me voilà à chercher dans mes souvenirs mes premières années d’école car le chef voulait tout savoir depuis le CP jusqu’à maintenant ! ( J’avais 6 ans ! Comment je pourrais me souvenir de toutes mes années d’école primaire, je me rappelle bien avoir eu 3 amoureux et leurs prénoms mais la suite ? Walou !
Une fois, toutes mes déclarations enregistrées, le chef m’invite à repasser dans qq jours pour récupérer ma carte.
Jeudi :
Moi : bonjour, je viens chercher ma carte au nom de V
Le chef : ah non, c’est pas encore, il faut revenir lundi et pitêtre tu auras ta carte , « Inch Allah »
Lundi :
Moi : bonjour, je viens chercher ma carte au nom de V
Le chef : ah non, c’est pas encore, il faut revenir jeudi et pitêtre tu auras ta carte , « Inch Allah »
Mercredi :
Moi : bonjour, je viens chercher ma carte au nom de V
Le chef : ah non, c’est pas encore, il faut revenir lundi et pitêtre tu auras ta carte , « Inch Allah »
C’est pas possible, ils me font tourner en bourrique ou quoi ?
Proverbe marocain : Au Maroc, Un homme pressé est un homme mort
Après discussion avec Sidi B, tout s’est éclairci, Bah oui, j’ai pas les « bons réflexes », Sidi B me dit que si je donne un bakchich de 200.00 dhs, j’aurais ma carte tt de suite.
Oui, mais moi, j’ai pas envie ! pas envie de rentrer dans le moule, pas envie de faire partie du système; pas envie de me faire « racketter » de 200 dhs pour une carte qui m’ait due, pas envie quoi !
Et puis, au pire du pire du pire, si je n’ai pas ma carte à temps, je suis dans l’obligation de faire un saut en France pour un aller retour, donc je pourrais profiter de l’occas’ pour voir « Quelqu’un » aux frais des Boss …. Dans la vie, il n’y a pas de problème, il n’y a que des solutions…
Verdict : J’ai finalement obtenu ma carte, dans les délais impartis donc pas d’aller retour à Paris (dommage) et sans bakchich ( 1ère victoire)