10 : Travailler dans un « palace »… à Marrakech
10a : S’installer
Comme pour tout à Marrakech, c’est compliqué ! Il a fallu me trouver un bureau, entendez par là un local, un endroit, une pièce quoi …
Boss n°2 ( le plus crado de tous) : tiens l’ancienne salle des archives, c’est pas mal !
Moi :
Boss n°2 : bah oui, il suffit de tout ranger, de tout nettoyer et tu auras un super bureau !
Moi : euh oui, d’accord, c’est pas mal mais tu comptes sur moi pour porter toutes les archives une à une à la cave ou je vais avoir un coup de main ?? Parce que là, vraiment, ça va pas le faire si je suis solo.
Boss n° 2 : mais non, mais non, on va te trouver qqn et le voilà qui « appelle » Ahmed, Abdellatif et Said. Les appeler est un bien grand mot… J’ai plutôt eu la sensation qu’il aboyait leurs prénoms leur sifflant l’ordre de venir tout de suite… et moi, j’étais mal à l’aise…très mal à l’aise. J’le sens pas ce Boss, mais j’le sens pas….
Après plusieurs jours de labeur acharné, j’ai enfin un endroit à moi que j’aménage tant bien que mal…Quant au côté technique, les connections informatiques, téléphoniques, électriques, internet, j’en prends mon parti dès maintenant et vous épargne les jurons quotidiens car non seulement j’ai dû patienter fort longtemps pour que tout soit installé mais il y a des coupures plus que régulières et un débit des plus catastrophiques.. Donc… inutile de palabrer ! « Qu’il est loin mon pays, qu’il est loin…. »
10b : Au boulot !
Pleine d’entrain et de motivation les 1ers jours, je frétille autant qu’un petit têtard dans une flaque d’eau.
Je me promène partout, j’observe tout, je note tout, j’ai plein d’idées, des milliers, des millions, des milliards. Je me lève hôtel, je vis hôtel, je mange hôtel et je dors hôtel… oui mais…. Après le conte des mille et une nuits, le jour s’est levé sur une autre réalité…
Je ne peux rien décider, valider, mettre en place sans en référer à Boss n°2 (le fainéant crado).
Je suis sensée travailler en binôme sur certaines missions avec « Mr D » vieux Toubab « gâté » par trop d’expatriations mais Mr D ne travaille que de 17hh00 à Minuit et la plupart du temps au bar ou au resto de l’hôtel…
Il goûte les cocktails entre autres, après s'être assuré que ces derniers sont payés par les clients avec lesquels il « discute »... Chez moi, on appelle ça une « vieille Péripat' » mais je dois me faire des idées.
Je ne peux pas communiquer en direct avec le personnel car certains refusent de m’approcher en raison de mon sexe et avec d’autres, nous avons un pb de comm’ (moi ne parlant pas encore l’Arabe et eux le Français).
Enfin, je persévère malgré tout et ne cesse de faire des propositions d’amélioration à Boss n°2 (sur la qualité du petit déjeuner, important dans tous les hôtels du Monde, sur le suivi clientèle qui ne semble pas si satisfaite que ça, sur le ménage en chambres, qui, même si les chambres sont ultra grandes et difficiles à nettoyer, doit être fait quotidiennement…) et c’est comme si je parlais à un mur. Il ne s’intéresse à rien, et encore moins à ces clients. Il est malsain, mal fagoté, mal foutu. Mais qu’est ce que je fous là !?
Heureusement, je m’éclate sur les dossiers que je mène en solo mais c’est un bonheur de courte durée car je ne m’épanouis pas en travaillant seule et en vivant seule au fur et à mesure que les jours passent…. L’eau qui fera déborder le vase quelques mois plus tard sera l’organisation d’une réunion qui m’a demandé bcp de préparation et qui sera annulée sur place le jour J sans que j’ai été prévenue car Boss n°2, fatigué et ayant trop bu la veille, ne viendra pas travailler, tout simplement…
Qui a dit que ce poste était un tremplin pour ma carrière !? Qui dit que l’expatriation, ça a du bon !? Je veux rentrer chez moi !
11 : les stars de passage
11a les people
Heureusement, j’ai de temps en temps des soupapes de décompression ou des p’tits bonheurs qui m’aident à tenir le coup. Et oui, qui dit palace, dit passage de stars et des stars, j’en ai vu qq unes. L’éthique et la discrétion de nos métiers ne me permettent pas de vous dévoiler leur identité mais dans le désordre, j’ai pu approcher, du comique français qui se la pétait tellement que je ne comprends toujours pas comment sa tête a pu passer la porte, de la comédienne discrète et sympathique qui séjournait en famille, de l’acteur américain qui outre le fait d’être désagréable à demander à ce qu’on lui fournisse des « péripat’ », du politique peu connu …jusqu’au jour où j’ai rencontré « La Star Française ».
Aujourd’hui à la retraite car âgée de 80 ans, La Star Française est à mes yeux une grande Star (aux yeux de ma mère aussi d’ailleurs), grand talent de comédien, charismatique, LSF ( NDA : La Star Française) est vraiment La Star, et moi, malgré mes 30 printemps, j’ai tout de la groupie adolescente boutonneuse qui ne sait s’exprimer que par onomatopées.
Le jour où je vais chercher LSF à l’aéroport avec le chauffeur :
Moi (à voix haute): Bonjour LSF. Bienvenue à Marrakech. Quel honneur de vous rencontrer ! Ma mère vous adore !!
LSF (par habitude et par politesse) : Merci
Moi (dans ma tête) : j’ai pas dit ça, c pas possible, « ma mère vous adore ! » Mais quelle conne, faut vraiment être tarte pour dire à LSF euh, tu sais ma mère te kiffe car t’es une vieille peau mais moi, pas du tout ! C’est la loose totale !
Moi (à voix haute) : Je m’appelle Mlle V et m’assurerais du bon déroulement de votre séjour.
LSF (avec une voix fatiguée) : Merci Mlle V
Mon excitation d’ado pré pubère est vite retombée quand j’ai été « contrainte » de passer une semaine avec LSF… prendre mes dîners dans les différents restos de l’hôtel avec LSF qui ne supporte pas de dîner seul, dans les jardins de sa suite lorsque LSF s’ennuie. Faire le tour de la ville en calèche avec LSF qui, tout en me racontant nonchalamment une énième de ses aventures, en profite pour tenter une caresse de mon postérieur ! Eh La Star, t’as rêvé ou quoi !?
Tu vois V, quand j’étais p’tit,…..ça ressemblait à cette rue là-bas et les gosses que tu vois là,...... et la calèche….. blablabla, blablabla, blablabla
Au même moment….
Je sens une main autour de moi qui glisse tout doucement de mon épaule dans mon dos et de mon dos vers mon cul…. J’y crois pas, LSF est un gros dégueulasse !
Moi : Eh LSF, t’as un pb d’équilibre on dirait, ton bras glisse, sans doute les soubresauts de la calèche sur le chemin pavé !
LSF : ah oui, merci V, tu sais à mon âge…
Moi : Ouais, ouais, je sais.. pas facile tous les jours sans doute !?
LSF s’est marré… Fin du chapitre
Au bout de 5 jours, j’en pouvais plus de LSF, trop prenant, trop intrusif et trop collant. J’ai donc refilé le bb à Mr D qui s’est empressé de faire ami-ami avec LSF.
Au bout de 8 jours, LSF rentrait chez lui non sans avoir laissé dans le livre d’Or un gentil message à l’attention de tout le monde, je dis bien tout le monde, du portier au Directeur Général… tout le monde sauf Moi .. .Allez salut La Star !
11b : mes stars à moi
En dehors des stars people qui ne brillent qu’un temps, mes stars à moi brillent au quotidien. Elles ont débarqué au fur et à mesure, chacune après l’autre comme si elles faisaient un relais pour s’assurer que je ne pète pas un câble. Il y a eu dans le désordre mon hôtesse de l’air préférée, ma cop’s secret girl, MasterMoz et sa frangine et… le meilleur pour la fin : « Quelqu’un » Nous étions en contact quotidien ( mail ou téléphone) et Il venu chaque mois, pour 1 séjour de 8 jours minimum à chaque fois ! Ce fut d’autant plus une preuve-épreuve d’amour que « Quelqu’un » déteste l’avion, ça lui fout la trouille. Pas une petite trouille ; nan,nan, genre la phobie de l’avion…. Et il a pris l’avion tous les mois, tout seul, comme un grand… juste pour ma tronche de cake !
Quel homme ce Quelqu’un, c’est normal, c’est le mien, Mon Zhom à moi….
Merci Marrakech, grâce à toi (enfin peut-être, enfin en partie), Zhom et moi sommes plus amoureux que jamais.
12. Y’a une vie après le boulot
Dans tout pays, dans toute région, y’a une vie après le boulot. Tu peux au choix voir des potes, aller au restau, au ciné, glander chez toi, faire du sport, et j’en passe.
Oui, mais à Marrakech, c’est pas vraiment la même. Je bosse en moyenne 10H00/ j, 6 j/7 (et on se plaint en France !) et n’aspire plus qu’à me reposer les jours où je ne suis pas au boulot. Oui, mais quel dommage de dormir alors que la ville s’étend devant moi ! De toute façon, il fait de + en + chaud et les nuits et siestes se font de + en + courtes.
En route donc pour la piscine, c’est reposant, détendant et ça rafraichit… Oui mais car il y a un mais…. A moins d’en avoir une dans ma résidence (ce qui n’est pas le cas), il est plus que fortement déconseillé à une femme seule et étrangère d’oser aller à la piscine. Je dois donc me rabattre sur les hôtels des alentours mais tous ceux que je contacte refusent car ils privatisent pour leurs clients… J’ai compris, il faut que je sois au choix ou cooptée ou munie d’un billet bakchich’, ou les deux ? Bon, la piscine, on oublie !
Les ballades en ville, ça c’est fait. Les massages et soins du corps, c’est fait aussi, les souks et autres incontournables touristiques, vus, revus et archi revus.
Quant à mes tentatives de lien ave la communauté française, on oublie…. J’ai eu le choix entre les Beaufs venus faire du fric au Maroc car pays pas cher et les Toubab’s du soleil qui n’ont pas entendu parler de l’abolition de l’esclavage. « ma kayne mouchkil».
Et si tout ça c’était pas pour moi ? Et si je rentrais chez moi retrouver mon Zhom, mes potes, MasterMoz.
Bah oui, rester toute seule ici, j’ai pas envie, faire sembler de m’épanouir dans un job pourri, j’ai pas envie. Me battre plus et plus fort parce que je suis une femme, plus l’énergie !
Je veux rentrer à Paris, je déprime ici !