Il y a 26 ans, maman et moi, on a déménagé. On a quitté notre petit appart’ super cocooning rien qu’à nous deux pour une grande maison neuve avec un nouveau mari tout neuf pour maman et un p’tit frère tout neuf pour moi, enfin, plutôt en cours de fabrication que neuf au moment de notre arrivée dans la maison.
Maman a dit : tu verras, ça va être super ! Tu auras une grande chambre, tu auras une nouvelle école, tu vas te faire de nouveaux amis !
Oui mais moi, ce que je voyais, c’est que ça serait tout sauf super ! Qu’une chambre, j’en avais déjà une et une belle en plus avec des oiseaux roses et blancs au mur et même qu’elle était collée à celle de maman dans l’appartement cocooning ; qu’une nouvelle école, j’en n’avais pas besoin puisque j’avais déjà une école et que de nouveaux amis, j’en n’avais pas envie, j’avais déjà les miens avec ma super meilleure copine Virginie, qui habitait elle aussi, un appartement cocooning dans l’immeuble d’en face…..
Oui mais à 8 ans, c’est pas nous qui décident, c’est les grands !
Alors on a déménagé dans la nouvelle ville pour la maison neuve avec le mari tout neuf de maman et mon p’tit frère qui était presque fini d’être fabriqué et j’ai eu une nouvelle chambre, celle tout de suite à droite quand t’es en haut de l’escalier parce que « c’est celle qui a le plus de lumière et que ça serait mieux pour faire tes devoirs » (a dit maman).
Oui mais la nuit, y’a pas de lumière qui vient de la fenêtre pour éclairer… Y’a un arbre très grand avec beaucoup beaucoup de feuilles qui font des ombres effrayantes sur le mur et des bruits angoissants quand le vent souffle dedans ! Et puis, dans la grande chambre à droite en haut de l’escalier, l’interrupteur est à droite de la porte tout de suite quand tu rentres et c’est le seul point de lumière, et la porte, elle est loin de mon lit. Y’a pas encore de lampe de chevet que tu peux éteindre du bout des doigts bien installée au chaud sous la couette dans ton lit alors au fur et à mesure des jours et des nuits qui passaient, il a fallu se battre contre la peur, la peur du noir, la peur des ombres effrayantes et des bruits angoissants, mais surtout, il a fallu se battre pour éviter le monstre caché sous le lit…
Toutes les nuits, je le savais là, tapi dans l’ombre, aux aguets sous mon lit. On aurait dit un dinosaure - crocodile géant, il était vert-marron avec de grosses écailles et de gros yeux jaunes globuleux, une gueule énorme pleine de dents abîmées et pointues ; en tout cas, c’est tel quel que je me le représentais à l’époque. Il attendait que j’aie éteint la lumière pour ouvrir ses vilains yeux jaunes globuleux et pour essayer de m’attraper par les pieds dès que j’approchais du lit. De mon côté, dès que j’avais éteint la lumière ( rappelez vous, l’interrupteur est à droite de la porte, qui elle, est loin de mon lit) donc dès que j’avais éteint la lumière, les yeux jaunes et globuleux du dino-croco me guettaient et moi, je prenais une longue inspiration et mon combat commençait : je courais de la porte à mon lit, si vite et si fort que je pourrais presque écrire que je volais de la porte à mon lit, je stoppais ma course à distance suffisante du bord du lit pour ne pas que la gueule du dino-croco ne me happe la cheville ou le pied mais à une distance suffisamment proche en même temps pour être capable de me jeter sur le lit sans le rater. Une fois l’étape 1 réussie, je m’enfonçais à vitesse grand V sous la couette, le cœur battant à tout rompre et la respiration haletante. L’étape 2 était que je me recroquevillais en boule toujours sous la couette pour mieux me protéger et au bout de quelques minutes, une fois réchauffée et apaisée, je me retournais sur le dos, la couette remontée jusqu’aux yeux et je guettais un mouvement ou un bruit du dino-croco, c’était l’étape 3. N’entendant rien d’autre que les battements de mon cœur, je me sentais un peu plus rassurée, je me détendais et le dino-crocro s’évaporait comme par magie au fur et à mesure que mes yeux se fermaient et je m’endormais enfin…jusqu’au lendemain soir où le même rituel reprenait.
Je n’ai jamais rien dit de mon combat nocturne à maman mais après quelques mois ou semaines, je ne sais plus, j’ai eu une table de chevet, elle était vert pâle et une lampe de chevet assortie. Bizarrement, le dino-croco aux yeux jaunes et globuleux n’est plus réapparu depuis lors…
Maman, à mon tour d’une petite fille qui va, drôle de coïncidence, fêter ses 1 ans ce dimanche, je me suis promis de ne jamais mais alors jamais lui imposer de dormir dans une chambre sans 1 veilleuse ou 1 lampe de chevet…Je ferais des erreurs en tant que mère, c’est sûr, mais pas celle-là !
http://www.ptitglenat.com/livre/comment-ratatiner-les-monstres-9782723462877.htm